Ah les neiges d'antan 2
D'ailleurs depuis ma plus tendre enfance papa nous
racontait des histoires de neige, d'oiseaux frileux et affamés qui venaient
frapper du bec contre la fenêtre et d'autres féeries de ce genre; aussi de
villages disparus, par exemple Gutzwiller dont les cloches sonneraient tous les
soirs de Noël. En permanence des miettes de pain, du beurre, du lard, des
pépins de pommes, des noix hachées en menus morceaux attendaient les pauvres
petits oiseaux sur les rebords des fenêtres... et le va-et-vient des mésanges ou
des bouvreuils occupait une grande partie de mes heures de loisir.
A ma grande honte je dois avouer que les merles et les
moineaux étaient moins bien lotis que leurs congénères: Devant la grange nous
semions pour eux des pommes pourries et des grains de b1é... mais par-dessus nous
dressions un tamis relevé sur un bord et soutenu par une bûche à laquelle était
attachée une ficelle que nous recouvrions de son ou de la paille hachée. Et,
derrière une porte, nous guettions avec une grande patience notre future proie.
A peine s'approchait-elle du piège que la main se crispait sur la ficelle et
dès que l'oiseau était suffisamment sous le tamis: clac! la bûche était retirée et
le tamis s'abattait sur le malheureux prisonnier... Je décris plus un rêve
qu'une réalité, car les oiseaux se montraient extrêmement méfiants, prudents,
adroits et même s'ils y laissaient quelques plumes, je ne me souviens d'aucun
oiseau ainsi capturé. Mais l'essentiel n'était-il pas, tout compte fait, de
nous avoir occupés pendant des heures et des heures ?