Désordre

Un soir Corinne et moi on a décidé de faire le plus de désordre possible dans notre chambre au lieu de dormir. On a arraché nos couvertures et nos draps, vidé tout ce qui pouvait se vider, piétiné et emmêlé ça, puis on s'est roulées dedans jusqu'à ce qu'on tombe de sommeil.
J'aime et je redoute le moment où on se dit:
Et pourquoi je ne ferais pas ça! le moment où on ne voit plus pourquoi on devrait s'embarrasser d'un prétexte pour planter là un importun, pourquoi on ne pisserait pas dans sa baignoire, pourquoi on ne volerait pas les affaires de ses camarades ou pourquoi on ne mangerait pas sa petite amie. C'est comme si un voile se déchirait, on voit clair tout à coup, et l'illusion que ce n'est pas possible parce que ce n'est pas permis se dissipe.
Mais quand la police vient vous arrêter, c'est l'illusion qu'on peut faire ce qui n'est pas permis qui s'évanouit.
Quand les parents sont venus nous réveiller et qu'ils ont vu le désordre qu'on avait fait, ils ont ri.

Quand on était petites, on se faisait gronder quand on avait sali ses habits. Le plus grave c'étaient les taches d'herbe aux genoux, très difficiles à enlever en lavant à la main.
Corinne et moi on était en train de jouer dans l'herbe quand les parents sont apparus en haut de l'escalier qui donne sur le jardin derrière la maison. Ils ont dit: "Les filles, salissez-vous!" On ne savait pas s'il fallait obéir. Les parents nous ont expliqué qu'ils venaient d'acheter une machine à laver et qu'on pouvait vraiment se salir tant qu'on voulait. Alors on s'est roulées dans l'herbe, consciencieusement.

Comments

[corinne]

Ces couvertures blanches, rouges et roses, elles ne te faisaient pas penser à du lard ?