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Si tu prends mon billet
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Si tu prends mon billet
5 février 2011

Les yeux de taupe.

La clôture

On a fait des photos de classe. J’étais affreuse sur les deux photos entre lesquelles il fallait choisir pour passer sa commande. J’avais une tête minuscule, et mes yeux, on ne les voyait pas du tout. Sur l’une des deux photos, en plus, je tordais la bouche : j’étais en train de parler avec cette voix nasillarde qui est la mienne quand je veux masquer ma prétention. Alors en réalité j’étais comme ça. Puisque les autres étaient pareils que d’habitude sur les photos.

Dans le miroir de la salle de bain j’étais pourtant bien.

C’est sur la photo où j’étais la plus vilaine que Hervé était le plus beau. On ne voyait que lui, il était plus grand que les autres, il bougeait, il riait. Ses traits restaient bien dessinés alors que les miens étaient indistincts. Martine a fait remarquer comme Hervé était beau, je lui en ai voulu comme si elle m’avait volé mon admiration. Depuis des semaines je trouvais des stratégies pour m’approcher d’Hervé après le repas à la cantine, pour l’aborder l’air de rien, pour qu’il ne se rende pas compte que j’étais amoureuse de lui. Je faisais semblant d’aimer la compagnie de sa sœur et de son demi-frère qui le rejoignaient toujours après le repas.

 

Il pensait comme moi sur tout. Ce qui était désespérant, c’est que peut-être il croyait que c’était moi qui pensais comme lui. J’aurais pu être lui. Il habitait en Suisse, il était né au Canada, ses parents avaient fait Woodstock, son père était chercheur en Afrique. Il était souvent allé en Afrique. Là-bas, à cause de la couleur du sable, le pantalon blanc devenait tout rouge. Son père faisait des recherches sur la mouche tsé-tsé.

Il avait les cheveux longs, il était le seul de la classe, peut-être du collège, à avoir déjà le droit de porter les cheveux longs. Moi aussi j’étais un hippie.

J’aimais sa dent cassée, j’avais remarqué la cicatrice qu’il portait au menton.

Dans son sillage ça sentait bon la lessive.

 

Un jour, assis sur un banc, il s’est étiré, sa chemise est remontée, j’ai vu qu’il avait déjà quelques poils sur le ventre, mille fois je me suis repassé l’image de ce ventre.

Et moi sur la photo j’étais si minable.

J’ai acheté les deux photos.

 


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